Je voyage aujourd’hui avec les mots du romancier Andrei Makine. Les aventures vécues au sein de la communauté d’exilés arméniens, aux côtés de son ami Vardan le « pas normal », lui ont permis d’accéder à un espace-temps alternatif qui le marquera pour toujours, et donnera du sens à sa vie.
En témoignent les passages suivants :
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« Il me regarda (…):
« Non, ils n’auront jamais le temps… Le temps de voir cela. »
Au loin, dans la luminosité du couchant, on pouvait encore distinguer les lignes mouvantes du vol, l’ondoiement blanc des ailes.
Devant cette beauté, pour la première fois de ma vie, j’éprouvai le chagrin de ne pas pouvoir la dire aux autres, à ces jeunes qui se chamaillaient sur un rectangle de terre piétinée et qui allaient continuer leurs jeux et leurs joutes, les transposant dans leur future vie d’adultes : rivalité, combat pour la meilleure place au soleil, chasse au succès, défaites et revanches. Le match qui venait de se terminer m’apparut telle la préfiguration de toute une existence, cette guerre d’usure qui ne leur laisserait pas le temps de lever les yeux vers le mouvement des oiseaux éclairés par le soir d’une fin d’été. Je me sentis péniblement muet, ne sachant pas encore que le désir de partager cet instant de beauté était le sens même de la création, l’aspiration véritable des poètes et qui restait le plus souvent incomprise. «
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Ainsi, les fous et les poètes échappent-ils parfois à la nasse de cette existence commune, légitimée par nos habitudes, nos peurs, notre incapacité d’aimer.
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Voir l’onglet « Citations » pour plonger plus avant dans l’univers de Makine…